Depuis plus de vingt ans, notre fondateur/conseiller spécial et lauréat du prix Nobel de la paix 2018, le Dr Mukwege, a soigné des milliers de survivant.e.s de violences sexuelles à l’Hôpital Panzi en RDC. Il a été le témoin direct des conséquences d’innombrables viols utilisés comme arme de guerre et commis avec extrême violence. Il reste un défenseur infatigable pour mettre fin à ce fléau et promouvoir la paix et la justice.

Au fil des ans et en raison de la nature de son travail, le Dr Mukwege est régulièrement menacé. En 2012, il a survécu à une tentative d’assassinat. Depuis plusieurs semaines maintenant, le Dr Mukwege est la cible d’une campagne d’intimidation, sur les réseaux sociaux et hors ligne qui comprend des menaces de mort à son encontre et à l’encontre de sa famille.

Jusqu’en mai dernier, le Dr Mukwege était protégé par la MONUSCO. Cette protection vitale a été révoquée et nous sommes maintenant très préoccupés par la vie et la sécurité du Dr Mukwege.

Les menaces proférées ne sont pas seulement contre lui et sa famille, il s’agit aussi de menaces à la recherche de la justice et aux possibilités de réconciliation et de paix durable dans un pays qui souffre déjà depuis bien trop longtemps d’une impunité généralisée.

Ces menaces sont liées à son plaidoyer en faveur de la justice transitionnelle et à son appel à la mise en œuvre des recommandations du Rapport Mapping, publié il y a dix ans par le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH).

En 2005, trois fosses communes ont été découvertes à l’Est de la RDC après une décennie de conflit. Ces découvertes macabres ont incité le HCDH à mener un exercice de cartographie pour documenter les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire qui ont été commises entre 1993 et 2003. Le résultat de ces efforts est ce rapport de 550 pages détaillant 617 incidents violents, y compris des viols de masses. Ces incidents pourraient être qualifiés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et pourraient même être constitutif de crime de génocide. Le rapport a recommandé diverses options de justice transitionnelle, notamment la création de chambres mixtes spécialisées pour poursuivre ces crimes odieux.

Le rapport a été publié le 1er octobre 2010, mais aucunes des recommandations qui y sont préconisées n’ont été mise en œuvre. Le Rapport Mapping langui dans les tiroirs de la diplomatie ces dix dernières années, les appels répétés pour la mise en application de ses conclusions ont été ignorés et les personnes impliquées dans les crimes y répertoriés n’ont jamais eu à répondre des atrocités commises.

La semaine dernière, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Madame Michelle Bachelet, a publié un communiqué appelant à une enquête approfondie sur les menaces et a demandé “des mesures concrètes pour établir des processus de justice transitionnelle qui accordent aux milliers de victimes des conflits successifs leur droit à la justice, à la vérité et à des réparations”.

Des membres de divers parlements nationaux et du Parlement Européen ont également fait écho à ces préoccupations, la Sous-Commission des Droits humains ayant récemment souligné la nécessité de mettre en œuvre et d’actualiser les recommandations du Rapport Mapping.

Le président congolais Felix Tshisekedi a également donné instruction à son gouvernement de donner la priorité aux efforts de justice transitionnelle et a promis de protéger le Dr Mukwege.

Nous sommes encouragés par le soutien massif que le Dr Mukwege a reçu des autorités congolaises et de la communauté internationale suite aux dernières menaces pesant sur sa sécurité, y compris au plus haut niveau de responsabilité.

Mais le Dr Mukwege ne sera en sécurité que lorsqu’il ne sera plus la seule voix à réclamer sans cesse la justice et la paix.

Nous appelons à la protection efficace du Dr Mukwege avec la participation des Nations Unies et à la mise en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle pour les atrocités qui se poursuivent en RDC jusqu’aujourd’hui.

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