“Ce 1er septembre, nous célébrons le vingtième anniversaire de l’ouverture de l’Hôpital Panzi.

 

Né dans un contexte de conflits, l’Hôpital de Panzi a, dès ses premiers jours de vie, accueilli des victimes de guerre. Parmi elles, des blessés, des déplacés et des femmes victimes de violences sexuelles.

Je me souviens de ces deux anciennes maisons d’architecture coloniale qui ont été restaurées  pour devenir l’Hôpital de Panzi. Je me souviens aussi des toutes premières consultations qui ont eu lieu au mois de septembre 1999. 

Notre choix pour l’hôpital s’est porté sur la commune de Panzi, au sud de Bukavu. De plus en plus peuplée, cette partie de la ville souffrait d’un manque de services publics. J’avais signalé la situation des femmes enceintes dans ce quartier car, en cas de complications – s’il  fallait par exemple recourir à une césarienne -, elles devaient rejoindre l’Hôpital Général de Bukavu, qui se trouvait à environ 10 km, à l’autre bout de la ville. 

Outre la question de la distance, de nombreux autres obstacles liés à la sécurité se dressaient devant ces femmes. Il y avait des barrages à chaque coin de rue ainsi que des soldats nationaux et étrangers qui empêchaient les gens de passer. Plus d’une fois, des femmes ont succombé à des hémorragies n’ayant pas pu atteindre un centre médical à temps.

Nous avions donc prévu de nous spécialiser dans les soins obstétriques, mais un nouveau phénomène frappait la région; une vague de viols s’accompagnant d’une extrême violence. 

Nos priorités ont alors changé.

 

J’étais consterné par ce qu’il se passait sous mes yeux.

 

20 ans après la première opération des suites d’un viol avec extreme violence en 1999, l’Hôpital de Panzi a traité plus de 55 000 victimes de crimes sexuels. Ce chiffre est en constante augmentation puisque chaque jours entre 5 et 7 femmes sont reçues à l’hôpital pour des cas de violences sexuelles.

L’hôpital de Panzi est devenu un refuge pour ces femmes en quête de guérison.

 

Je salue l’engagement de toutes nos équipes à mettre fin au viol utilisé comme arme de guerre en République démocratique du Congo et dans le monde entier. Ce combat jouit aujourd’hui d’un écho mondial nécessaire au changement des mentalités. 

 

Je salue avec émotion notre personnel qui a répondu courageusement en traitant chaque victime avec compassion et dignité.

 

Lorsque nous avons compris que les traitements médicaux n’étaient pas suffisants pour pouvoir se soigner entièrement et que les survivantes avaient besoin d’un accès à des services supplémentaires pour se reconstruire, nous avons mis sur pied un modèle de guérison holistique à quatre piliers associant le traitement médical à un soutien psychosocial, des services de réintégration socioéconomique et un accès au système judiciaire. 

 

Ensemble, ces piliers ont sauvé des vies et réparé des âmes tout en permettant aux survivants de gagner leur indépendance et d’exiger la justice.

 

Nous avons reproduit ce modèle en dehors de la ville de Bukavu, en ouvrant des «centres à guichets uniques» dans les communautés rurales et en déployant des équipes d’urgence sur le terrain pour faire face aux viols massifs commis dans les villages. Nos équipes mobiles opèrent aussi les fistules vésico-vaginales obstétricales dans d’autres provinces du pays.

 

Conscients que la violence sexuelle dans les conflits n’est pas seulement un problème en RDC, nous voulons élargir notre vision de la guérison holistique à l’extérieur du pays en veillant à ce que les victimes en République Centrafricaine, au Burundi, en Irak et ailleurs puissent avoir accès à une guérison holistique et ainsi reconstruire leurs vies. Ainsi des One Stop Centers proposant le modèle de prise en charge global de Panzi seront mis en oeuvre dans les prochains mois.

 

C’est avec beaucoup de fierté que je remercie tous les membres du personnel de l’Hôpital de Panzi et des Fondations Denis Mukwege et Panzi pour tout le travail abattu avec ardeur et détermination. Et même si ce mois-ci nous nous remémorons les deux dernières décennies qui furent douloureuses, mais pleines d’espoir, nous nous tournons surtout vers l’avenir. 

 

Dans les prochaines années, nous continuerons à concrétiser notre vision de rester un centre d’excellence pour le traitement des victimes de violences sexuelles et pour une prise en charge de qualité des soins de santé maternelle, tout en élargissant notre héritage en servant de centre de formation de notre modèle de traitement médical et global des victimes de violences sexuelles dans le monde en le mettant en pratique dans d’autres contextes de conflit. 

 

Nous continuerons à réclamer la justice partout dans le monde pour les victimes en traçant une ligne rouge contre l’impunité. Nous continuerons à nous battre pour le projet de Fonds Mondial de Réparation sur lequel nous travaillons depuis 2010. Il sera officiellement lancé le 31 octobre 2019.

 

Nous ne cesserons jamais de fournir des soins, de partager notre vision d’un monde solidaire et de responsabiliser toutes les survivantes en tant qu’agents du changement passant du statut de victime à celui de leader dans la société.

 

Nous vous invitons à vous joindre à nous. Nous vous appelons à l’action ! » 

Dr Denis Mukwege

 

 

English version

“Today we celebrate the twentieth anniversary of the opening of the Panzi Hospital. Born in a context of conflict, Panzi Hospital has welcomed and served war victims from its first days, including survivors of sexual violence, the wounded, and the displaced.
I remember two colonial homes that were restored to become the hospital and the very first consultations that took place in September 1999. Our choice for where to build the hospital was Panzi neighborhood, in the south of Bukavu. This part of the city was becoming more and more populated, and suffered from a lack of public services.
The situation for pregnant woman in this neighborhood was dire. If there were any complications (for example, if a caesarean section was necessary), they needed to go to Bukavu General Hospital, which was about 10 kilometers away at the other end of the city. In addition to the distance, there were many other security-related obstacles these women faced. There were roadblocks at every street corner as well as national and foreign soldiers who prevented people from passing. Women often succumbed to hemorrhaging when they could not reach a medical center in time.
When we opened Panzi Hospital, we had planned to address these issues by specializing in obstetric care, but a new phenomenon was striking in the region — a wave of rapes accompanied by extreme violence. I was appalled by what was happening before my eyes, and our priorities immediately changed.
Twenty years after the first violent rape operation in 1999, Panzi Hospital has treated more than 55,000 victims of sexual violence. Unfortunately, this figure is constantly increasing: every day between five and seven new survivors arrive seeking treatment for their rapes. At Panzi Hospital, they find a refuge where they can seek healing.
We soon realized that medical treatment was not enough and that survivors needed access to additional services to rebuild their lives. To address this, we developed a four-pillar holistic healing model which combines medical treatment with psychosocial support, socio-economic reintegration services and access to the justice system. Together, these pillars saved lives and repaired souls while allowing survivors to gain independence and demand justice.

We replicated this model outside of Bukavu, opening “one-stop centers” in rural communities and deploying emergency field teams to deal with mass rapes in villages. Our mobile teams also operate vesico-vaginal obstetric fistulas in other provinces of the country.

Recognizing that sexual violence in conflict is not just a problem in the DRC, we want to broaden our vision of holistic healing outside the country by ensuring that victims in the Central African Republic, Burundi, Iraq and elsewhere can access holistic healing and rebuild their lives. One Stop Centers offering Panzi’s global support model will be implemented in the coming months.

It is with great pride that I thank all of the staff of Panzi Hospital and Foundations and the Denis Mukwege Foundation for their hard work and commitment  to ending rape as a weapon of war in the Democratic Republic of the Congo and around the world, as the fight against rape in war must be echoed globally. I warmly thank our staff who have always responded bravely by treating each victim with compassion and dignity.

And even if this month we remember the last two decades — and its challenges — we look forward to the future with hope. In the coming years, we will continue to deliver on our vision to remain a center of excellence for the treatment of victims of sexual violence and delivering quality maternal health care, while expanding our legacy. We will do this by serving as a global training center focused on delivering medical treatment for victims of sexual violence in other conflict settings. We will continue to demand justice around the world for the victims by drawing a red line against impunity. We will continue to fight for the Global Fund for Reparations, which we have been advocating for since 2010 and will officially launch on October 31, 2019.
And lastly, we will never cease in our delivery of care for survivors of sexual violence, sharing our vision of a world of solidarity and empowering all survivors to become agents of change. We invite you to join us, and call you to action!”
Dr Denis Mukwege
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